Québec, le 9 mai 2023/CNW-CISION - On peut faire mieux au sein du système de santé : tout le monde en convient. Les médecins de famille le souhaitent au premier chef et ils collaborent pour être partie prenante de la solution. Les propos du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, résonnent fréquemment de cet appel à la collaboration. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) estime toutefois que cette dimension est malheureusement évacuée dans le projet de 15, tel qu’il est présentement formulé.
« L’autonomie professionnelle des médecins, leur capacité à s’engager localement et à faire entendre leur voix, le respect de l’esprit des ententes convenues de bonne foi et le respect du processus de négociation prévu par la loi sont des principes qui nous sont chers. Malheureusement, le projet de loi, tel qu’il est actuellement rédigé, prévoit, de manière inutile et incompréhensible, une approche coercitive à l’endroit des médecins de famille qui est contraire à une gestion efficace et responsable du réseau », a déclaré le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, en commission parlementaire aujourd’hui à Québec.
De nombreux articles de ce projet de loi, dont le but est pourtant d’améliorer l’efficacité du réseau de la santé, misent sur une approche directive et coercitive plutôt que collaborative. S’il était adopté tel quel, le projet de loi 15 entraînerait une centralisation de la gestion entre les mains de fonctionnaires, nommés par une agence, elle-même sous le contrôle direct du ministre de la Santé.
L’article 26 du projet de loi accorde en effet un droit de regard total au ministre de la Santé sur la future agence Santé Québec. Cette disposition, loin de dépolitiser la gestion du réseau, pourrait permettre au ministre d’imposer tout changement à la future agence sur une simple directive de sa part. « Nous saluons l’esprit de collaboration qui anime généralement le ministre Dubé, avec qui nous avons réussi d’ailleurs, dans le courant de la dernière année, à trouver des solutions et à améliorer l’accès à la première ligne. Mais l’histoire enseigne que les lois sont pérennes, et non leurs initiateurs », de préciser le Dr Amyot.
Les médecins de famille sont par ailleurs très surpris de la très forte centralisation qui verrait le jour au profit des établissements. Les articles 379 et 380 du projet de loi, notamment, imposeraient à tout médecin qui facture à la Régie de l’assurance maladie du Québec, notamment à plus de 3000 médecins de famille qui pratiquent exclusivement dans des groupes de médecine de familiale (GMF) ou en clinique à temps complet, l’obtention d’un statut et des privilèges de l’établissement de leur territoire sous peine de sanction. « Une telle disposition signifie que des fonctionnaires pourraient décréter, selon leur bon vouloir, les activités que les médecins de famille devront faire dans une région donnée. Cette modification va beaucoup plus loin que les activités médicales particulières (AMP), par exemple, qui assurent une couverture adéquate des soins médicaux dans les différents milieux et dont la gestion est effectuée par des médecins responsables, élus par des pairs, et présents localement sur le terrain », précise le Dr Amyot. Ces dispositions pourraient inciter fortement certains médecins de famille de 60 ans et plus, qui composent 25 % de la profession, à prendre prématurément leur retraite et en pousser d’autres à abandonner la médecine publique pour se diriger vers le secteur privé, hors RAMQ.
S’y ajoute la transformation des directions régionales de médecine générale (DRMG), des entités qui fonctionnent actuellement très bien avec à leur tête des dirigeants désignés par les pairs. Il nous apparaît totalement incompréhensible, dans ce contexte, que le gouvernement souhaite remplacer les DRMG par des directions territoriales de médecine familiale (DTMF), chacune dirigée par un fonctionnaire. « Pourquoi démanteler une cogestion éprouvée entre la médecine familiale et le système de santé par une loi expulsant les médecins des paliers décisionnels qui leur permettent de contribuer à l’amélioration des soins offerts ? Cette intention du législateur, exprimée dans plusieurs articles du projet de loi 15, doit être remise en question », souligne le Dr Amyot.
Selon la FMOQ, le réseau de la santé peine non pas parce qu’il manque de coercition ou de centralisation, mais plutôt en raison de carences sur le plan de la planification et de la valorisation des professionnels de soin. « Les médecins de famille souhaitent plus que tout un accès optimal aux soins de première ligne pour les personnes qui en ont besoin. Les médecins de famille ont répondu massivement à l’appel ces derniers mois en inscrivant collectivement plus de 625 000 personnes en moins d’un an, améliorant du coup l’accès aux soins de première ligne. C’est le résultat de la collaboration entre le ministre de la Santé, les médecins de famille, les infirmières et de nombreux autres professionnels engagés dans notre réseau. C’est clair que le déploiement de cette approche collaborative demande plus de temps, mais il est incontestable que cette approche apporte des résultats tangibles et durables », explique le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ.
« Forts de ces enseignements récents, que le ministre a lui-même salués, nous avons été surpris, mais surtout déçus du dépôt d’un projet de loi majeur, sans aucune consultation préalable. Peut-être que le gouvernement adhère à l’approche selon laquelle seul on va plus vite. Pour notre part, nous croyons plutôt qu’ensemble, on va réellement plus loin. Nous offrons donc, encore une fois, notre collaboration pleine et entière au ministre et à ses équipes pour atteindre cet objectif nécessaire de rendre le réseau de la santé plus efficace », de conclure le Dr Amyot.