Le premier ministre changera-t-il son approche en santé?

Lettre ouverte

 

Madame, Monsieur,

L’élection partielle d’Arthabaska étant passée, le premier ministre souhaite donner un nouvel élan à la CAQ. Selon ses propres paroles, «il y a certains dossiers, il faut se l’avouer, où il faut s’améliorer et faire certains changements»

L’accès aux soins de santé est une priorité pour les Québécois. Après les ajouts de structures et les coupes budgétaires, il pourrait choisir une nouvelle approche, ne plus chercher à «brasser la chaîne de soins» en dénigrant les médecins de famille, mais collaborer avec eux pour améliorer l’accès à un réseau public fort.

Depuis le début des négociations en août 2024, les médecins ont avancé de nombreuses solutions concrètes sur les thèmes chers au gouvernement, notamment de s’appuyer sur la science pour intégrer des indicateurs de performance et des éléments de capitation. Pour que ça brasse, la CAQ a préféré déposer le projet de loi no 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux, ce qui a ruiné tout effort de négociation. À l’article 8 de ce projet, la CAQ se donne le pouvoir unilatéral de biffer ou d’ajouter tout ce qu’elle veut à une éventuelle entente négociée. Bref, le pouvoir de renier sa propre parole.

Vérité alternative

Le projet de loi vise également à évaluer la performance des médecins de famille, non pas sur la qualité et la pertinence des consultations, mais uniquement sur le volume. Forcer les médecins de famille à réduire le temps de consultation pour voir davantage de patients, faire de la médecine «fast food». Pour une médecine de qualité, on ne peut lier la performance à la rémunération; le Collège des médecins lui-même juge cela inquiétant et inacceptable.

Le nouveau départ souhaité par le premier ministre devrait être l’occasion d’abandonner ce projet de loi et de poser le bon diagnostic. La vérité toute crue, c’est qu’il manque 2000 médecins de famille au Québec. Le ministère de la Santé le reconnaît lui-même.

Jusqu’à maintenant, la CAQ a préféré la voie du dénigrement. Elle doit cesser la désinformation en prétendant que le problème d’accès serait causé par une prétendue faible assiduité des médecins. C’est faux et même si la CAQ le sait, elle persiste à plaider cette «vérité alternative». L’utilisation des congés de maternité et des retraites pour construire une fausse statistique n’a pas sa raison d’être lorsqu’on a à cœur de mieux servir la population. On peut faire mieux alors qu’on cherche à attirer plus de candidats en médecine familiale.

Valorisation

Les médecins de famille souhaitent que le gouvernement redonne de la valeur à la collaboration et à la négociation. C’est cette approche qui, malgré la pénurie, a permis aux médecins de famille de mettre en place le GAP, qui offre maintenant annuellement plus d’un million de rendez-vous additionnels aux patients.

Avec les infirmières, les préposés et les autres professionnels de la santé, les médecins de famille font partie d’une chaîne de soins qui doit être valorisée, pas attaquée, pas brassée. Nous avons de nombreuses propositions qui favoriseraient l’accès aux soins, nous sommes même disposés à nous en remettre à l’arbitrage comme mode de règlement. La CAQ ne peut pas honnêtement continuer de prétendre que les médecins font de l’obstruction.

Le premier ministre annonce vouloir améliorer l’approche et les façons de faire de son gouvernement, nous espérons sincèrement qu’il choisira de remiser les divisions partisanes et les «vérités alternatives» pour privilégier la collaboration au bénéfice de tous les Québécois.

Les médecins de famille, avec tous les intervenants de la santé, œuvrent tous les jours auprès des Québécois de tous âges, on souhaite ce virage, on ne veut pas que ça brasse, on veut que ça marche.

 

Dr Marc-André Amyot
Président-directeur général